Évolution historique du littoral manchois

Évolution historique du littoral manchois

Le littoral manchois a pendant très longtemps été uniquement façonné par les éléments naturels. Ce n’est qu’à partir du XIXème siècle que les humains ont réellement commencé à aménager le littoral, contribuant ainsi à en perturber le fonctionnement et à accélérer sa transformation. Avec le dérèglement climatique à l’origine de la hausse du niveau marin, comprendre le territoire littoral d’hier est essentiel pour gérer durablement la bande côtière aujourd’hui et surtout demain.

Le développement du littoral manchois entre hier et aujourd’hui : d’un littoral redouté à un littoral convoité

Le bord de mer n’a pas toujours été aussi attractif. Du fait de l’instabilité du littoral, milieu vivant soumis aux forces de la mer, du vent et des fleuves côtiers, mais aussi des dangers pouvant surgir d’embarcations ennemies, les rivages ont pendant longtemps été considérés comme des lieux d’insécurité. Le littoral est donc longtemps resté inhabité (on ne bâtissait pas dans les marais ou sur les dunes), et les sociétés humaines se sont d’abord installées à distance du rivage ou dans des secteurs abrités.

Au fil des siècles, que ce soit pour exploiter les aménités de la mer (pêche, sel, …), ou profiter du potentiel agronomique des rivages, on assiste à un aménagement progressif des marais littoraux et à une poldérisation par endiguement des baies et havres, pour gagner des terres arables sur la mer.

A partir du XIXème siècle, avec le développement du tourisme balnéaire, et en particulier avec son avènement dans les années 1930 puis son expansion spectaculaire après-guerre, le bord de mer est devenu extrêmement attractif et une transformation radicale du paysage littoral manchois s’opère en 150 ans.

Cet essor de l’urbanisation du littoral s’est conjugué avec celui du génie côtier, lequel a contribué à ce que les sociétés humaines pensent le trait de côte comme une ligne fixe et stable, sans appréhension des modifications possibles de la morphologie du littoral et avec une perte de conscience des risques côtiers.
Cette urbanisation du littoral s’est dès lors traduite par la création de nombreux ouvrages de protection (digues, perrés maçonnés, enrochements, épis, jetées portuaires, etc.), mais aussi par des prélèvements de sable pour la construction, contribuant ainsi à générer des désordres (érosion, interruption de transit sédimentaire) et à perturber le fonctionnement naturel des plages.

Grandes étapes de l’urbanisation du littoral manchois depuis le XIIème siècle

1650 : un rivage essentiellement vierge de construction

Le littoral est partiellement exploité par l’agriculture mais pas encore habité. Les 1ères installations humaines se concentrent en hauteur sur la paléo-falaise (le trait de côte il y a 120 000 ans quand le niveau marin était supérieur de 6 mètres par rapport à aujourd’hui).

1750 : des ressources maritimes attractives

Avec le développement des activités maritimes (pêche, sel, varech, tangue…), on assiste à une 1ère étape de l’urbanisation du littoral, avec des cabanes de pêcheur qui commencent à prendre place sur le cordon dunaire.

1800 : les bourgs anciens

L’activité se concentre dans les centres bourgs, constitués de maisons de ville et d’anciennes fermes situées en hauteur. Sur la côte ouest, des premiers chalets résidentiels en bois sont construits sur le cordon dunaire. Les zones basses sont progressivement asséchées pour être cultivées ou pâturées.

1850 : Les 1ères villas balnéaires de la Belle Époque

Avec l’émergence du tourisme balnéaire, certaines villes commencent à accueillir des touristes. Les premières maisons apparaissent en bordure littorale et le cordon dunaire commence à être artificialisé et protégé par des 1ers ouvrages de protection qui fixent le trait de côte.

Années 1960 : une urbanisation massive de la station balnéaire

L’extension de l’urbanisation se dirige vers la mer avec des pavillons qui remplacent des surfaces agricoles. Les premiers campings de bord de mer se développent et on assiste à l’essor de l’ostréiculture. Cette urbanisation a conduit au développement de structures ayant un effet de fixation du trait de côte.

Aujourd’hui : les lotissements récents

L’étalement urbain récent est caractérisé par la construction de lotissements résidentiels en zone littorale, contribuant au développement de stations balnéaires. Le littoral fortement urbanisé concentrent à présent les populations, les biens et activités.

A noter

Plusieurs outils s’avèrent précieux pour mieux appréhender les évolutions historiques des paysages littoraux, de la position du trait de côte, de la dynamique d’urbanisation mais aussi de construction d’ouvrages de protection contre la mer, etc. C’est le cas notamment de :

  • la reconduction de prises de vue historiques, à partir de l’exploitation de cartes postales anciennes
  • la comparaison de photographies aériennes anciennes et actuelles : 1947 et 2020
  • la confrontation de cartes anciennes (cartes dites de Cassini, les cartes « de Vauban », la carte d’État-major et celle du service vicinal)

On retrouve ces outils sur les applications :

« Approche historique du littoral » développée par le Réseau d’observation du littoral de Normandie et des Hauts-de-France (ROL) « Remonter le temps » développée par l’Institut Géographique Nationale (IGN)

Exemples de comparaison

Photographies aériennes du littoral de Gouville-sur-Mer en 1947 et 2020
Vues sur le banc du sud du havre de Blainville-sur-Mer, depuis le pont de la RD 244, en 1931 et 2021

Les maisons et cabines implantées sur les flèches sableuses du havre de Blainville-sur-mer ont aujourd’hui quasiment toutes disparu. En 2008, une tempête entraîne la disparition de la dune située au nord de la cale de Blainville-sur-mer.