Le trait de côte manchois : comprendre sa mobilité pour gérer son recul

Le trait de côte manchois : comprendre sa mobilité pour gérer son recul

Le trait de côte se définit communément comme la limite entre la terre et la mer. Caractérisé par sa mobilité perpétuelle, le trait de côte avance ou recule selon différentes échelles de temps et d’espace. Cette évolution résulte de l’effet combiné d’une dynamique sédimentaire naturelle (lien vers la page web « Dynamique sédimentaire du littoral manchois) et de l’impact des ouvrages et activités humaines (lien vers la page web « Impacts des ouvrages et activités humaines). Suivre l’évolution du trait de côte (lien vers la page web « Observatoire du trait de côte manchois ») est donc essentiel pour mieux comprendre la dynamique du littoral et prévoir son évolution future.

Qu’est-ce que le trait de côte?

Alors que le trait de côte se définit comme la ligne de rivage qui sépare la terre de la mer, il n’en existe pas de définition unique. La multiplicité de définition du trait de côte tient au fait que le littoral est sans cesse en mouvement et qu’il ne permet pas d’en définir des limites fixes.

En fonction des types de côtes du littoral manchois, mais aussi du sujet étudié ou des questions que l’on se pose, la notion de trait de côte fluctue et peut se caractériser par différents marqueurs, comme :

  • la limite de végétation entre la plage et la dune, pour les côtes sableuses et dunes en accrétion,
  • le pied ou la corniche d’une falaise rocheuse, voire dunaire dans le cas de dunes en érosion,
  • la limite du schorre (partie supérieure recouverte à chaque pleine mer) ou de la slikke (partie inférieure recouverte à chaque marée haute) pour les marais maritimes et les estuaires
  • la limite en mer voire le sommet des ouvrages de protection du littoral (digue, enrochement, jetée portuaire…)
  • le niveau atteint par les plus hautes mers
  • etc.

Au final, de très nombreux « trait de côte » peuvent donc être considérés sachant que certains marqueurs s’appuient sur des éléments géomorphologiques, d’autres sur des approches altimétriques voire hydrodynamiques (limite de déferlement), d’autres sur la présence de végétation (botanique) ou de débris (laisses de mer), etc.

Quelles utilisations des marqueurs « trait de côte »?

Dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC), il a été défini un indicateur national de l’érosion côtière (INEC) pour analyser l’évolution historique de la position du trait de côte. Cet indicateur s’appuie sur la comparaison de la position du trait de côte entre deux photographies aériennes dont les dates de prise de vue sont éloignées de plusieurs décennies. Cette analyse se fait en privilégiant les marqueurs naturels suivants :

  • pour les côtes possédant des marées : la limite de la végétation (tous types de côte) et la limite du haut de falaise (côtes à falaise avec une rupture de pente marquée) ;
  • pour les côtes ne présentant pas de marée : la limite supérieure du jet de rive, correspondant globalement au sable mouillé (côte basse meuble) et la limite de la végétation (côte à falaise).

Dans le cadre de l’observatoire départemental du trait de côte manchois, plusieurs indicateurs « position du trait de côte » sont produits au droit des stations de suivi, à savoir la ligne d’intersection de la surface topographique avec différents niveaux marins :

  • le niveau pour un évènement extrême centennal, c’est-à-dire avec une période de retour de 100 ans (Tr 100ans)
  • le niveau pour une pleine mer de vive-eau (PMVE)
  • le niveau pour une pleine mer de morte-eau (PMME)
  • le niveau moyen de la mer (NMR)

Le SHOM (service hydrographique et océanographique de la marine) définit quant à lui le trait de côte comme « la ligne d’intersection de la surface topographique avec le niveau atteint par les plus hautes mers lors d’une marée astronomique (PHMA), par coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales (pas de vent du large, pas de dépression atmosphérique, pas de grosses vagues susceptibles d’élever le niveau de la mer) ».

Pourquoi observer l’évolution du trait de côte?

Mieux comprendre les dynamiques côtières à l’œuvre sur le littoral, permet de disposer de moyens d’évaluation et de suivi des risques liés à l’érosion et aux conséquences du changement climatique, et ainsi de soutenir une gestion durable de la bande côtière.

Cela suppose de connaître l’évolution de la position du trait de côte (avancée, recul, stabilité) à différentes échelles temporelles (évènement ou tempête, saisonnière, annuelle, etc…). Il est ensuite possible de pouvoir prévoir et anticiper l’évolution future du trait de côte, car c’est en s’adaptant qu’on pourra continuer de profiter de nos côtes.

Une fois le trait de côte mesuré, et selon les finalités des études, il peut être cartographié. Au fil du temps, il est possible d’estimer son avancée ou son recul, souvent en mètre par an.


État des connaissances sur l’évolution du trait de côte

Plusieurs acteurs s’intéressent en France à l’étude de la dynamique côtière, que ce soit au niveau national (CEREMA, BRGM, SHOM, IGN…), au niveau interrégional (ROLNHDF), au niveau départemental (Département de la Manche, DDTM de la Manche), voire localement (EPCI et communes), etc.

Sans que cette liste soit exhaustive, voici les principales études disponibles :

Le suivi de l’évolution des plages et du trait de côte manchois par le Département de la Manche

Le Département de la Manche met en œuvre depuis 1991, un observatoire du trait de côte manchois qui repose sur :

  • un réseau « historique » de 156 stations de suivi qui a permis de constituer un important historique de données (>30 ans) sur l’évolution altimétrique des plages et l’évolution planimétrique du trait de côte,
  • un réseau de suivi par drone d’une vingtaine de sites sensibles à l’érosion et/ou aux submersions marines, depuis 2023-2024
  • un observatoire citoyen du littoral manchois (2024) qui s’appuie sur un suivi photographique participatif permettant de produire des données scientifiques sur l’évolution du trait de côte.

L’indicateur national d’érosion côtière (INEC) produit par le CEREMA et le ROLNHDF

Pour disposer d’une information homogène à l’échelle nationale, l’État a défini dans le cadre de sa Stratégie Nationale de Gestion Intégrée du Trait de Côte (SNGITC), un indicateur national d’érosion côtière (INEC) qui a pour objectif de mesurer la tendance d’évolution du trait de côte, à partir d’une analyse diachronique d’images aériennes éloignées de plusieurs décennies.

A l’issue d’un travail partenarial entre le ROLNHDF et le CEREMA, cet indicateur a été actualisé à l’échelle du littoral de la Normandie et des Hauts-de-France et l’évaluation de l’évolution de la bande côtière pour le département de la Manche a été produite entre 1947 et 2020.

Cet indicateur indique une tendance de l’évolution pluriannuelle du linéaire côtier (en m/an).
Il ne rend pas nécessairement compte des dynamiques d’évolution au sein de la même période considérée, ni des potentiels changements récents de dynamique. L’indicateur n’est pas calculé lorsqu’un ouvrage se substitue au trait de côte naturel ; il ne remonte pas dans les estuaires et ne couvre généralement pas les extrémités des flèches sableuses.

L’analyse de l’évolution du trait de côte dans la Manche entre 1947 et 2020 par le ROLNHDF, la DREAL et le CEREMA) :

Un travail d’analyse de la position du trait de côte à l’échelle historique a été réalisé par le Réseau d’Observation du Littoral de Normandie et des Hauts-de-France (ROLNHDF), en collaboration avec la DREAL Normandie, sur le littoral de la Manche et du Calvados.

A partir d’images aériennes, la digitalisation des traits de côte a été réalisée pour les années suivantes : 1947, 1977, 1982, 1992 et 2001, 2010, 2020. Elle permet d’aboutir à une cartographie fine de la dynamique du trait de côte, à une valeur d’érosion ou d’accrétion tous les 10m.